C’est un drôle d’anniversaire. Il y a 30 ans les étudiants chinois se révoltaient et envahissaient au printemps le centre de la capitale chinoise. Pendant près de deux mois, leur révolte aura fait espérer un vent démocratique sur la Chine. Mais dans la nuit du 3 au 4 juin, le régime de Pékin décida de liquider dans le sang les espoirs de la jeunesse de son pays.
Chez Hikari, c’est un anniversaire particulier. Nombre d’entre nous ont passé des années en Chine, avec les fantômes de Tiananmen comme décor permanent. Cette commémoration est essentielle pour nous. Nous proposons deux livres originaux. Deux histoires intimes, personnelles, qui s’inscrivent dans la grande histoire.
Pierre Haski, d’abord, nous raconte le destin de « l’homme qui a défié Pékin » : Liu Xiaobo. C’est un nom que le monde a déjà presque oublié. Ce n’est pas un hasard. Le régime chinois fait tout pour que nous l’oubliions, multipliant la censure à l’intérieur de ses frontières et les pressions envers le reste du monde.
Car les maîtres de Pékin considèrent toujours Liu Xiaobo, pourtant mort dans une prison chinoise en 2017, comme la pire menace pour leur contrôle absolu du pays.
En 2010, lorsqu’il a reçu le Prix Nobel de la Paix, il est devenu l’égal d’un Nelson Mandela ou d’un Vaclav Havel, l’un de ses modèles. Mais le monde savait si peu de choses sur lui.
Dans ce livre, Pierre Haski, éditorialiste sur France Inter, qui a rencontré souvent Liu Xiaobo lorsqu’il était correspondant à Pékin, révèle enfin le destin de ce héros méconnu. Au fil d’une longue enquête de Taipei à New York en passant par Berlin, ses proches parlent de leur Liu Xiaobo, l’homme libre qu’il était, d’un courage insensé. Depuis la place Tiananmen où il était le grand frère des étudiants en révolte jusqu’aux JO de Pékin, pendant lesquels il rédigeait avec des centaines d’intellectuels chinois la charte 08, programme pour une transition démocratique pour la Chine.
Voici donc un destin qu’il ne faut pas oublier. Parce qu’il traverse et questionne l’histoire d’un pays qui est installé dans nos vies. Parce qu’il réécrit, sans concession, une éthique de l’existence universelle.
Laure Guilmer, elle, nous entraine également dans une histoire intime dans "la Française de Tiananmen". Elle a vécu par hasard un événement qui a fait trembler la Chine. Et le monde. C’était en 1989. Pendant cinquante jours, elle a vécu avec les étudiants de Pékin l’occupation quotidienne de la place Tiananmen. La contestation s’est terminée dans un bain de sang le 4 juin 1989. Sous mes yeux.
En 1989, son année chinoise ne s’est pas arrêtée au fracas de Tiananmen. Elle s’est poursuivie pendant six mois dans les provinces chinoises, au milieu de leurs habitants. Cela fait trente ans. Cela semble loin. Mais il est impossible d’oublier.
Elle a voulu marquer cet anniversaire et est retournée à Pékin en 2019, confrontant sa mémoire des événements à celle de ses amis de l’époque.
Deux livres essentiels pour comprendre la première puissance mondiale. Ce géant aux pieds d’argile qui refuse toujours de regarder en face ce qui s’est passé à Tiananmen, il y a 30 ans.